Le cœur qui aime vraiment Dieu aime et embrasse cet amour partout où il le trouve.

Ses traits, quand il les observe dans le prochain, lui plaisent souvent mieux qu’en lui-même.

 

Car ne pouvant voir que le fond de sa propre conscience, il y distingue ce qui paraît aux yeux des hommes et ce qui reste caché, tandis que dans le prochain il n’aperçoit que ce qui paraît, les fruits de l’Esprit et de l’amour qu’il voit, qui font déduire et aimer en ce prochain l’amour intérieur qu’il ne voit pas.

 

En lui-même il voit ses manques et ses acquis ; dans le prochain, il ne peut juger que de ce qu’il voit. D’ailleurs, ce qui est à lui, il le juge avec rigueur. Tout ce qui appartient au prochain au contraire, sous l’impulsion d’un amour bienveillant, il l’interprète en bien. Voilà pourquoi bien souvent, incapable de discerner le mélange dans l’âme du prochain, il se plaît davantage à considérer en elle un bien supérieur, car il est seul à souffrir de ce mélange.

Les premiers pas d’un autre lui procurent plus de joie que ses propres progrès, et les progrès d’un autre lui en procurent davantage que sa propre perfection.

 

La bienveillance de la charité fraternelle lui fait goûter dans le prochain ce qu’il ne peut goûter en lui-même, encore qu’il le possède…

 Guillaume de St Thierry
Exposé sur le Cantique 1,10

Guillaume de St Thierry

(vers 1080 – 1148)

 

Né à Liège vers 1080-1085, il entre au mon
bénédictin de St Nicaise à Reims.

Plus tard en 1135, il devient cistercien à Signy dans les Ardennes.

Ami proche de saint Bernard, il écrivit la vie.

Il est l’auteur de nombreux œuvres de grande valeur.